Risque incendie : comment la copropriété doit se protéger
- bclinfos
- 24 sept.
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Aucune copropriété n’est à l’abri d’un incendie. Les plus récentes sont les mieux armées du fait d’une réglementation exigeante, mais toutes sont vulnérables. Pour autant, c’est un risque contre lequel on peut se prémunir. Explications.
C’est une situation paradoxale. Alors que les copropriétés anciennes sont les plus vulnérables au risque d’incendie – avec des escaliers souvent en bois, des installations électriques parfois obsolètes… –, elles ne sont soumises à aucun dispositif réglementaire d’ensemble en matière de protection et de sécurité incendie. Rien n’est prévu pour les immeubles construits avant 1986, date à laquelle des prescriptions spécifiques ont été édictées (arrêté du 31.3.86), classant les bâtiments en fonction de leur capacité de résistance au risque incendie.
Ce risque dépend, pour l’essentiel, du nombre d’étages et de l’accessibilité aux services de secours. Quand cette accessibilité fait défaut, l’accent est mis sur les dispositifs présents à l’intérieur de l’immeuble, comme les trappes de désenfumage. Cela ne signifie pas pour autant que les copropriétés non soumises à ces prescriptions doivent faire l’impasse sur la sécurité incendie. Le maire lui-même peut imposer des actions d’urgence, qui s’inscrivent dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne. C’est notamment le cas si l’immeuble présente un risque élevé, électrique par exemple, du fait de l’absence d’un réseau de terre collectif, ou en raison de la présence d’un entrepôt de matériaux inflammables.
Surélévation : les exigences du neuf
Créer des logements sur le toit implique le respect de la réglementation applicable aux bâtiments neufs. Si, du fait de la surélévation, l’immeuble excède 3 étages, il sera nécessaire d’encloisonner la cage d’escalier pour éviter la propagation du feu et des fumées en cas d’incendie. Sauf à obtenir une dérogation du préfet lorsque la configuration de l’immeuble d’origine ne le permet pas (art. L 112-13 du code de la construction et de l’habitation). Par ailleurs, l’emploi du bois pour l’ossature est fréquent en surélévation. « L’encapsuler dans un matériau coupe-feu, comme du plâtre, peut être prévu », note Frédéric Henry, directeur général adjoint à l’Agence Qualité Construction. Les services départementaux d’incendie et de secours peuvent être consultés si le préfet le demande aux services instructeurs de la mairie.
Syndicat et syndic sont responsables
Mais la responsabilité d’organiser la prévention des incendies incombe en premier lieu au syndicat des copropriétaires et à son représentant, le syndic. Le syndicat est tenu de prendre toutes les mesures de prévention et de protection appropriées en matière de sécurité incendie. Ce, dans le cadre de sa mission générale de conservation et d’administration des parties communes (art. 14 de la loi n° 65-557 du 10.7.65). Cela passe par des gestes simples. « Un travail de sensibilisation des occupants peut être mené par le conseil syndical, au besoin au moyen d’affichettes dans le hall de l’immeuble. Ce, pour les dissuader d’encombrer les parties communes – couloirs, escaliers et caves – par des cartons, facilement combustibles, mais aussi des trottinettes ou poussettes susceptibles d’entraver la circulation lors de l’intervention des services de secours », insiste Pierre Prévost, responsable de la prévention des risques incendie à la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Autant de situations que l’on rencontre encore dans de nombreux immeubles.
Des travaux ? Un risque à anticiper.
Un chantier dans l’immeuble expose à un risque d’incendie. Celui-ci est d’autant plus élevé que les travaux sont réalisés à chaud, c’est-à-dire qu’ils produisent des flammes, des étincelles, génèrent de fortes chaleurs (opérations de soudure, découpe de métaux, utilisation d’un chalumeau) ou des interventions sur les installations électriques. L’entreprise intervenante est alors tenue de fournir un « permis de feu », attestant que le professionnel est formé au niveau sécurité incendie, en milieu ouvert comme fermé. Les copropriétaires doivent, eux, souscrire une assurance dommages-ouvrage. « Elle doit être étendue aux existants, afin de pouvoir garantir les dommages affectant la partie préexistante du bâtiment », souligne le syndic Olivier Safar. Prévoyez 2 % environ du montant des travaux.
S’y ajoute une nécessaire communication auprès des occupants s’agissant de leurs parties privatives. Le conseil syndical peut rappeler la nécessité d’installer un détecteur de fumée dans chaque logement et d’éviter d’entasser chez soi des déchets, a fortiori inflammables. Le syndrome de Diogène semblant être en recrudescence dans les copropriétés, il ne faut pas hésiter à agir si un tel comportement est observé dans l’immeuble, avec à la clé un risque de départ de feu dont la propagation rapide serait difficile à stopper. Au moindre doute pour la sécurité de l’immeuble, il incombe au syndicat, par la voie du conseil syndical, de se rapprocher du syndic pour lui demander d’agir. De même en cas de dysfonctionnement constaté sur l’installation électrique collective, pas question d’attendre la visite annuelle ou bi-annuelle de l’immeuble à laquelle le syndic est astreint pour le lui signaler.
Le syndic, en tant que mandataire du syndicat, est lui-même tenu de pourvoir à la conservation et à l’entretien de l’immeuble (art. 18 I de la loi du 10.7.65). Il lui incombe ainsi de veiller au bon fonctionnement et au contrôle des équipements communs au regard de la sécurité incendie : la chaudière collective ou l’éclairage de la cage d’escalier, par exemple, dont le câblage électrique peut être à revoir.
250 000
C’est le nombre d’incendies d’habitations qui sont déclarés chaque année aux assurances en France, soit 1 toutes les 2 minutes. 70 % d’entre eux portent sur des immeubles construits avant la réglementation relative à la protection contre l’incendie de 1986.
L’opportunité de réaliser un audit
Pour y voir plus clair sur le niveau de protection de leur immeuble face au risque incendie, les copropriétaires peuvent faire réaliser un audit de sécurité incendie par un bureau d’études spécialisé. Il identifiera d’éventuels axes d’amélioration en émettant des recommandations techniques. « Ce scénario se justifie si la copropriété n’a pas réalisé des travaux réguliers de mise en sécurité », estime Olivier Safar, à la tête du cabinet de syndic parisien éponyme.
« L’audit passera l’immeuble au crible : son accessibilité depuis la rue pour les secours, l’ensemble des espaces de circulation communs à l’intérieur de l’immeuble, de la cave au dernier niveau, en passant par la chaufferie et l’ascenseur », explique Wilson Jaurès, président du groupement des entreprises d’études de sécurité et prévention incendie (Geespi) et directeur opérationnel chez Artelia, un bureau d’études qui réalise une centaine d’audits par an partout en France. Prévoir autour de 2 000 € TTC pour la visite et un rapport complet. Le conseil syndical aura alors en main un document sur lequel s’appuyer pour planifier les travaux de mise en sécurité nécessaires. Il pourra en faire état lors du vote sur le projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT) durant l’assemblée générale suivante, si un PPPT n’est pas encore en place. Ou y ajouter les travaux de sécurité incendie, s’il existe déjà. Un texte déjà ancien, mais auquel les experts se réfèrent toujours (circulaire n° 82-100 du 13.12.82), contient certaines indications générales à appliquer lorsque des travaux de rénovation d’ampleur ou de reconstruction ont lieu dans l’immeuble. Pour ce qui est de la protection contre l’incendie, les maîtres d’ouvrage sont incités à « limiter la transmission du feu et des fumées d’un niveau à un autre et à maintenir, sinon à améliorer, les possibilités d’évacuation des occupants et d’intervention des services de secours et de lutte contre l’incendie ».
Véhicules électriques : des batteries à risque
Le déploiement des bornes de recharge destinées aux véhicules électriques dans les parkings d’immeubles est assuré par des installateurs professionnels, qui doivent fournir une attestation de conformité délivrée par le Comité national pour la sécurité des usagers d’électricité (Consuel). Hormis les cas de raccordements sauvages, le risque d’incendie ne porte donc pas sur les installations elles-mêmes, mais sur les batteries (lithium-ion), même si elles ne sont pas en charge. « Un matériel défectueux ou un choc est susceptible de créer un court-circuit et un emballement thermique », pointe Pierre Prévost, responsable de la prévention des risques incendie à la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Quant aux batteries démontables (vélo, trottinette), prudence : « Elles doivent être stockées dans une pièce fermée de l’appartement, en aucun cas devant la porte d’entrée », poursuit le lieutenant-colonel Prévost.
Des travaux à soupeser soigneusement
Les travaux ne doivent en outre jamais aggraver le risque incendie que présentait antérieurement le bâtiment. Ce serait le cas si l’installation d’une porte coupe-feu nécessite une modification de la disposition des lieux (réduction de la largeur d’un couloir ou changement d’itinéraire d’évacuation, par exemple), laquelle reviendrait à entraver l’accès des pompiers. Tout retour en arrière est par ailleurs impossible en matière d’équipements de sécurité incendie. « Un conseiller syndical nous a consultés pour savoir si la pose de blocs d’éclairage à tous les étages était vraiment obligatoire, ce qu’affirmait un prestataire en démarchage. Ce n’était pas le cas dans sa copropriété. Sans lui déconseiller d’améliorer la sécurité de son immeuble, nous avons pointé le fait qu’une fois voté et installé, l’équipement ne peut plus être retiré. Avec le coût supplémentaire en maintenance que cela implique pour le syndicat », relate Stanko Trifunovic, directeur technique de l’Association des responsables de copropriété (ARC).
Panneaux photovoltaïques : protégez votre toit !
Les panneaux photovoltaïques, lorsqu’ils sont mal installés, cumulent les inconvénients au regard de la sécurité incendie. « Les équipements, combustibles, peuvent présenter un risque d’échauffement. Et la charpente sur laquelle ils sont posés, avec des liteaux en bois ou une étanchéité bitume, peut aussi brûler », pointe Frédéric Henry, directeur général adjoint à l’Agence Qualité Construction. Aussi est-il indispensable de faire appel à un installateur certifié (QualiPV et/ou Qualifelec, délivrées par l’organisme Qualit’Enr). Il va vérifier au préalable l’état de l’installation électrique des parties communes de l’immeuble. La délivrance d’un certificat Consuel (Comité national pour la sécurité des usagers de l’électricité), attestant de la conformité aux normes de sécurité incendie de l’installation, est par ailleurs obligatoire avant sa mise en service.
Pour les copropriétés déjà équipées, la vigilance est requise : « On arrive à une époque d’obsolescence des premières installations, qui n’étaient pas toujours de qualité », met en garde Pierre Prévost, responsable de la prévention des risques incendie à la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. La configuration de l’installation joue aussi son rôle. « Mieux vaut un espace entre toiture et panneaux, pour assurer une ventilation naturelle, que des panneaux collés à la structure », souligne Christophe Levrel, expert technique à l’Association des responsables de copropriété.
Cette maintenance n’est pas neutre et doit être correctement réalisée. « Entretenir les colonnes sèches, c’est tester la pression hydraulique pour vérifier leur étanchéité et leur résistance. Une simple vérification visuelle ne suffit pas. De même, le changement de cartouches pour un extincteur doit être justifié, et non systématique, ce qui engendre un surcoût. Le choix d’une entreprise certifiée NF service Apsad offre déjà une première garantie sur la qualité du prestataire », relève ainsi Christophe Levrel, expert technique à l’ARC. Par ailleurs, certains travaux induisent le respect de prescriptions anti-incendie. Par exemple, l’option pour une chaudière collective à condensation peut nécessiter de reconfigurer le local technique au préalable pour répondre aux contraintes renforcées de ventilation et d’évacuation des fumées. Soit une rallonge de… 50 % par rapport au coût de la chaudière elle-même.
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