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La toute puissance du règlement de copropriété


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De nombreux règlements sont anciens et contiennent des clauses en contradiction avec la réglementation.


Ce document essentiel règle la vie des occupants de l’immeuble, fixe leurs droits et obligations. Ses clauses doivent être respectées, même si elles sont obsolètes, voire illicites. Comment, dans ce cas, les faire annuler ?


Un doute sur la nature privative ou commune des balcons ? Un conflit avec vos voisins sur l’usage d’un lot ? Une question sur la répartition des charges de l’ascenseur ? Pour répondre aux nombreuses interrogations des copropriétaires, les syndics font systématiquement appel au règlement de copropriété, véritables « tables de la loi » de l’immeuble.


Ses commandements s’imposent à tous. Ce document contient toutes les clauses relatives aux règles d’occupation, de fonctionnement et de gestion de la copropriété », appuie Olivier Safar, syndic de copropriété dans les Hauts-de-Seine (92). Pourtant, de nombreux règlements sont anciens et contiennent des clauses devenues obsolètes ou aberrantes, voire en contradiction avec la réglementation. « Les plus récents n’échappent pas nécessairement aux critiques, avec parfois des rédactions irrégulières, surtout en matière de répartition des charges entre copropriétaires », rapporte Valérie Assouline-Haddad, avocate en droit immobilier, à Paris.


Tout-puissant, mais soumis à la loi

Faut-il le rappeler, l’établissement d’un règlement de copropriété est obligatoire pour tous les immeubles soumis à ce statut (art. 8 de la loi du 10.7.65). Une fois adopté et publié, ce document – et ses éventuelles modifications approuvées par l’assemblée générale (AG) – s’imposent à tous les copropriétaires et, de façon plus large, à tous les occupants de l’immeuble. Pour que les locataires ne puissent ignorer sa force obligatoire, les copropriétaires-bailleurs ont d’ailleurs l’obligation de leur communiquer les extraits du règlement de copropriété concernant la destination de l’immeuble, la jouissance et l’usage des parties privatives et communes, ainsi que la quote-part de charges attribuée au lot loué, dans chaque catégorie (art. 3, al. 14 de la loi du 6.7.89). Le locataire qui en ignorerait les prescriptions s’expose à être personnellement poursuivi par le syndicat des copropriétaires en raison des infractions qu’il pourrait commettre (cass. civ. 3e du 14.4.10, n° 09-13.315).


Mais le règlement de copropriété est lui-même soumis à la loi de 1965, d’ordre public, qui régit les immeubles soumis à ce statut. Il ne peut déroger à ses dispositions, sauf dans les rares occasions où cette loi lui laisse le soin de fixer les règles. Par exemple : concernant la distinction entre parties privatives et parties communes, énoncée aux articles 2 et 3 de la loi de 1965. Le premier de ces articles qualifie de privatives les parties du bâtiment « réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé », dont il a la propriété exclusive. Tandis que sont communes, selon l’article 3, les parties de bâtiment « affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ». « La loi laisse toutefois au règlement la faculté de faire le tri entre ces deux catégories. Il peut donc organiser une répartition différente », confirme Olivier Safar. Votre règlement peut ainsi parfaitement classer parmi les parties communes les fenêtres et les volets, alors que ces éléments sont réservés à l’usage exclusif des copropriétaires pris individuellement. Inversement, les sols ou les plafonds des lots peuvent être classés comme privatifs, bien qu’ils soient utiles à tous les copropriétaires, faisant partie intégrante de la structure de l’immeuble. Même si de telles clauses peuvent sembler contraires au bon sens, elles s’imposent à tous, sans pouvoir être contestées. Précisons que lorsque le règlement est muet ou contient des dispositions contradictoires, l’article 3 de la loi reprend la main en réputant communs de nombreux éléments, tels que les cours, jardins, le gros œuvre, etc. Et ce, même si un copropriétaire dispose d’un usage privatif. « Si elle ne figure pas dans cette liste, la partie d’immeuble concernée sera, au contraire, réputée privative », résume l’avocate Valérie Assouline-Haddad. En cas de litige, le juge s’appuiera sur ce texte pour trancher, tout en tenant compte des circonstances.


Interdire les locations de courte durée, c’est possible.


Avant de proposer un appartement à la location meublée touristique, vous devez vérifier que le règlement ne l’interdit pas. C’est notamment le cas lorsqu’il contient une clause d’habitation bourgeoise « exclusive », qui prohibe toute activité au sein de l’immeuble. S’il s’agit d’une simple clause d’habitation bourgeoise, l’interdiction est valable uniquement si vous proposez, en plus de la location, des prestations para-hôtelières (cass. civ. 3e du 25.1.24, n° 22-21.455). Enfin, une clause d’habitation mixte autorise toute activité. Par ailleurs, la loi Le Meur permet de réserver la location de courte durée aux seuls locaux à usage de résidence principale. Pour cela, les copropriétaires doivent modifier le règlement à la double majorité de l’article 26 (avec, sous condition, la possibilité d’un second vote à la majorité de l’article 25). « Attention, seuls les règlements interdisant déjà toute activité commerciale dans les locaux non affectés à cet usage peuvent être modifiés à cette majorité. Autrement, l’unanimité reste requise », prévient Valérie Assouline, avocate en droit immobilier à Paris.


Une répartition des charges souvent critiquée

Si le règlement de copropriété est censé respecter les dispositions d’ordre public de la loi de 1965, il arrive pourtant que certaines clauses y contreviennent. Et qu’elles n’aient jamais été remises en cause par les copropriétaires, malgré leur caractère illicite. C’est notamment le cas des clauses relatives à la répartition des charges, dont le principe figure à l’article 10 de la loi. « Il est très fréquent que la répartition de certaines charges repose sur des critères en contradiction avec la loi. Ce sont d’ailleurs ces clauses qui représentent la plus importante source de contestation », relève Valérie Assouline-Haddad. Il en va ainsi, par exemple, des clauses qui prévoient une répartition des frais liés à un équipement entre tous les copropriétaires, y compris ceux pour lesquels il ne présente aucune utilité. Cas typique des copropriétaires du rez-de-chaussée qui paient des charges de fonctionnement et d’entretien de l’ascenseur. Or, les dépenses entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun doivent être répartis « en fonction de l’utilité objective que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot » (art. 10 de la loi de 1965). Non seulement seuls ceux qui profitent du service doivent y contribuer, mais ils doivent encore participer selon l’utilité qu’il présente pour leur lot. Utiliser l’ascenseur pour monter au dernier étage n’entraîne pas la même participation aux frais que lorsqu’il s’arrête au premier palier. Une grille de charge spécifique à cet équipement s’impose alors. Une répartition selon les tantièmes généraux, ou identique à celle applicable aux dépenses afférentes à l’entretien et à la gestion de l’immeuble, sera nécessairement illicite (cass. civ. 3e du 22.10.08, no 07-18.201). De la même manière, la clause d’un règlement de copropriété qui dispense certains copropriétaires de toute participation à un service collectif alors qu’ils en profitent pourra être contestée. Peu importe qu’ils ne l’utilisent pas. Enfin, plus largement, le règlement ne peut exonérer aucun copropriétaire de participer aux charges communes générales (cass. civ. 3e du 1.4.87, n° 85-16.025).


Les divisions de lots parfois interdites

Autres clauses souvent sujettes à discussion : celles interdisant la division des lots en vue de leur vente ou de leur location. L’objectif ? Éviter d’accroître le nombre de résidents. En principe, ces clauses sont nulles car « le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires » (art. 8 de la loi de 1965). Mais le texte envisage aussitôt une exception lorsque les restrictions sont « justifiées par la destination de l’immeuble ». Une notion difficile à cerner, mais qui vise le plus souvent le standing de la résidence. Illicites dans la plupart des règlements de copropriété, ces interdictions peuvent ainsi être reconnues valables dans les résidences de standing ou de grand standing, conçues pour n’être occupée que par un nombre limité de personnes. « Cette notion de destination de l’immeuble dépend de nombreux facteurs, comme la localisation de la résidence, la qualité de sa construction, son niveau d’équipement ou encore son occupation exclusive à titre d’habitation. Devant les tribunaux, le caractère licite ou non de ces clauses restrictives est donc apprécié au cas par cas », précise maître Assouline-Haddad. Les juges ont ainsi condamné un copropriétaire à rétablir en un seul lot les 12 studios qu’il avait créés en le divisant car les caractéristiques et les équipements de l’immeuble n’étaient pas adaptés à son occupation par de nombreux locataires (CA d’Orléans du 21.6.99, no 97/03074). Dans cette catégorie d’immeubles cossus, d’autres clauses peuvent encore faire valablement obstacle à la colocation, qui modifie les conditions d’habitation et la tranquillité des occupants « par un va-et-vient de personnes dans l’immeuble » (CA de Paris du 23.5.12, n° 10/07710). On peut également rencontrer des interdictions de louer les lots secondaires à des personnes étrangères à la copropriété, notamment les chambres de service. Là encore, tout est question de standing. Si la clause a pour but de préserver le « prestige » de la résidence, elle peut être déclarée valable (cass. civ. 3e du 28.2.06, n° 05-11.409). « Attention, car le standing d’un immeuble peut évoluer au fil des ans. Initialement consacré exclusivement à l’habitation, des professions libérales ou des commerces ont pu s’y installer par la suite. Des clauses du règlement autrefois justifiées deviennent alors obsolètes, voire illicites », prévient Valérie Assouline-Haddad.


Une prise de décision simplifiée dans les petites copropriétés.


Modifier une clause du règlement de copropriété dans les petits immeubles, de 5 lots principaux au plus, est assez simple, du moins sur le plan formel. Dans ces copropriétés, en effet, toutes les décisions, hormis le vote du budget prévisionnel et l’approbation des comptes, peuvent être prises par le biais d’une consultation écrite, sans qu’il soit besoin de convoquer une assemblée générale (art. 41-12 de la loi n° 65-557 du 10.7.65). Si aucun copropriétaire ne s’y oppose, la résolution est adoptée. Sinon, il faudra réunir une assemblée dans les formes et voter selon les règles habituelles de majorité. Dans les copropriétés plus petites encore, où deux copropriétaires se partagent l’ensemble des lots, les décisions peuvent se prendre lors d’une réunion informelle, sans convocation préalable (art. 41-18 de la loi de 1965). Là encore, pour être valable, la décision doit faire l’unanimité.


L’assemblée générale peut modifier le règlement

C’est généralement un copropriétaire, dont le projet de travaux, d’aménagement ou d’usage de son lot est empêché par une clause du règlement, qui lance la polémique. Même si ce n’est pas obligatoire avant de s’adresser au juge, il peut demander à l’assemblée générale de reconnaître le caractère non écrit de la clause pour lever l’obstacle. Un nettoyage complet du règlement de copropriété peut, à cette occasion, être proposé par le syndic ou le conseil syndical. « Il s’agit alors de mettre tout le document en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires entrées en vigueur depuis sa rédaction », explique Olivier Safar. Ce dépoussiérage peut être effectué à tout moment. Démarche utile pour les règlements anciens, souvent truffés de clauses d’un autre âge. C’est également la solution la plus confortable pour le syndicat, puisque la majorité simple de l’article 24 suffit (majorité des voix des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance). Mais tout n’est pas permis. Seule une mise en conformité du règlement avec les nouveaux textes est possible à cette majorité. « Les copropriétaires désirent parfois ajouter des modifications, comme l’interdiction de certains types de commerces. C’est impossible car, dès lors qu’il est porté atteinte à la destination de l’immeuble, l’unanimité est requise », alerte maître Assouline-Haddad. Même constat concernant la grille de répartition des charges, dont la modification n’est possible qu’avec l’accord de tous les copropriétaires, sans exception (art. 11 de la loi de 1965). « Si la mise à jour du règlement à la majorité de l’article 24 inclut une modification de la grille de répartition des charges qui requiert l’unanimité, il est recommandé de la faire voter séparément, au moins à la double majorité de l’article 26. En cas de contestation de cette nouvelle grille, cela évitera la remise en cause de l’ensemble du nouveau règlement », conseille l’avocate. La Cour de cassation a cependant admis que la décision visant à adapter la clé de répartition des charges d’ascenseur – qui était contraire aux dispositions de l’article 10 – pouvait être prise à la majorité prévue en matière « d’adaptation » des règlements, c’est-à-dire à la majorité simple de l’article 24 (cass. civ. 3e du 2.10.12, n° 11-22.990). Une prise de position unique, à notre connaissance. La prudence reste de mise. « Si la décision d’assemblée n’est pas contestée dans les 2 mois qui suivent la réception du procès-verbal par les copropriétaires, la nouvelle répartition sera applicable. Même si la modification a été adoptée à une majorité insuffisante », rappelle Valérie Assouline-Haddad.


« Des clauses valables, jusqu’à preuve du contraire. » Maître Valérie Assouline-Haddad, avocate.


Toutes les clauses contenues dans le règlement de copropriété doivent être respectées, même si certaines d’entre elles sont contraires à la loi. Lorsqu’un copropriétaire désire contester l’application d’une clause, il doit faire constater son caractère abusif ou illicite en demandant à l’assemblée générale ou au juge de la déclarer non écrite, pour qu’elle cesse de produire ses effets. Tant que cela n’est pas fait, la clause doit être appliquée. »


Le juge, en dernier recours

Face à une clause qu’il juge illicite et dont il n’a pu obtenir le retrait en assemblée générale, un copropriétaire peut, à tout moment, saisir le juge pour la faire déclarer « non écrite ». Certaines clauses d’un autre temps, comme interdire la détention de tout animal de compagnie, seront simplement retranchées du règlement par les magistrats. Concernant une interdiction de diviser ou de louer, ceux-ci, nous l’avons vu, analyseront le standing de l’immeuble avant de la déclarer nulle. S’agissant d’une clause de partage des charges, le juge vérifiera si la répartition est, ou non, contraire aux critères posés par la loi. Dans ce cas précis, il ne peut pas se contenter de déclarer la clause illicite. « Le juge doit établir une nouvelle grille de charges. Il peut aussi nommer un expert qui s’en chargera, si la situation est complexe », indique Valérie Assouline-Haddad. La nouvelle répartition ainsi décidée se substituera à la précédente, mais ne vaudra que pour l’avenir. Elle ne prend effet qu’au « premier jour de l’exercice comptable suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive » (art. 43 de la loi de 1965). Un copropriétaire ne pourra donc pas demander à être remboursé d’un trop-versé dû à l’ancienne répartition irrégulière.

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