Copro - Qu'est-ce que l'abus ou la rupture d'égalité entre copropriétaires
- bclinfos
- il y a 3 jours
- 6 min de lecture

L’un des principes fondamentaux qui régit la copropriété est celui de l’égalité entre les copropriétaires. Lorsque l’assemblée générale des copropriétaires, organe souverain de la copropriété, prend une décision, elle doit parfois arbitrer entre le respect de ce principe et l’intérêt collectif. Ce qui peut l’amener à prendre des décisions qui vont léser les intérêts particuliers de certains copropriétaires pour l’intérêt collectif.
Il n’est pas rare que le copropriétaire lésé saisisse le tribunal judiciaire afin de demander l’annulation de la décision querellée au motif qu’elle caractériserait un abus de majorité en raison d’une rupture d’égalité entre les copropriétaires. Pour être victorieux, encore faut-il que soient remplis les critères posés par la jurisprudence pour caractériser cette rupture d’égalité.
I.- Le principe de l’égalité entre les copropriétaires
Aux termes de l’article 4 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, les parties communes sont l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires ou certains d’entre eux seulement. Par ailleurs, aux termes de l’article 9 alinéa 1 de la même loi, chaque copropriétaire jouit librement des parties communes à la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. Ainsi, chaque copropriétaire est investi d’un droit de jouissance des parties communes égal à celui des autres copropriétaires.
Ce principe d’égalité entre les copropriétaires se retrouve également dans l’accès aux parties communes puisque, sous réserves de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble, tout copropriétaire doit pouvoir librement accéder aux espaces de circulation et locaux de l’immeuble.
Enfin, le principe d’égalité entre les copropriétaires se manifeste aussi dans la répartition des charges de copropriété et le financement des services et équipements communs qui doivent s’opérer sur la base de critères objectifs définis par l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965.
Dans ce cadre, tout copropriétaire doit veiller à ne pas outrepasser ses droits au détriment des autres copropriétaires. A défaut, le syndicat des copropriétaires a qualité à agir pour rétablir l’égalité entre les copropriétaires. En ce sens, il sera fondé à réclamer – et à obtenir – qu’il soit enjoint à un copropriétaire de libérer sous astreinte un palier commun qu’il occupe privativement ou encore de retirer des tables et des chaises installées dans les parties communes gênant ainsi le passage des autres copropriétaires.
De même que chaque copropriétaire sera sanctionné en cas de rupture de l’égalité de traitement entre les copropriétaires, l’assemblée générale des copropriétaires a la même obligation lorsqu’elle délibère. En effet, en principe, l’assemblée doit veiller, dans ses décisions, à ne pas rompre l’égalité de traitement entre les copropriétaires.
Si tel est cas, bien que la décision votée présente une apparence de régularité sur la forme et sur le fond, en réalité, si elle est le résultat de manœuvres tendant à obtenir un vote contraire aux intérêts collectifs véritables ou un vote qui lèse un ou plusieurs copropriétaires sans être conforme à l’intérêt commun, elle pourra être qualifiée d’abusive et encourir l’annulation.
II.- La rupture d’égalité entre les copropriétaires
Aux termes de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes. Les copropriétaires, réunis en assemblée, peuvent être amenés à prendre des décisions qui pourront porter atteinte aux droits de certains copropriétaires ou compromettent l’équilibre entre les droits concurrents des copropriétaires tels qu’ils résultent de l’article 9 de la loi précitée. C’est d’ailleurs l’une des sources les plus importantes de contentieux lesquels portent notamment sur les questions d’accès et d’occupation des parties communes et leur cession ainsi que sur l’utilisation des services collectifs et éléments d’équipement commun.
Ainsi, constitue une rupture de traitement des copropriétaires le fait d’autoriser certains copropriétaires à occuper des emplacements de stationnement dans une cour commune sans contrepartie pour les copropriétaires lésés par cette décision. En revanche, le fait de prévoir que les copropriétaires bénéficiaires du stationnement devront s’acquitter d’une contrepartie financière a pour objet de rétablir l’équilibre.
Par ailleurs, constitue une rupture de l’égalité de traitement des copropriétaires, la décision de l’assemblée autorisant la cession d’une chambre, partie commune, à un copropriétaire à des conditions financières dérisoires contraires à l’intérêt commun ou en accordant sans contrepartie pour le syndicat des copropriétaires le droit de surélévation de l’immeuble à un copropriétaire.
Ainsi, il ressort des jurisprudences précitées que sera constitutif d’une rupture d’égalité tout avantage octroyé à un copropriétaire sans contrepartie pour le syndicat des copropriétaires ou pour les copropriétaires qui seraient spécifiquement lésés.
Par ailleurs, peut également constituer une rupture de l’égalité de traitement le fait de retirer un avantage à un copropriétaire ou encore de lui en refuser un sans que cela soit motivé par la poursuite de l’intérêt collectif.
Ainsi, constitue une rupture de l’égalité de traitement le fait pour une assemblée de :
limiter les droits d’accès de certains copropriétaires à des parties communes sans que cela soit dans l’intérêt collectif, dès lors que cette décision porte atteinte à la libre faculté d’utiliser les espaces de circulation des locaux communs ;
refuser à un copropriétaire une autorisation de travaux accordée à d’autres copropriétaires pour des travaux similaires.
Il ressort ainsi de l’examen de la jurisprudence que, pour caractériser une rupture dans l’égalité de traitement, la juridiction s’attachera à déterminer si l’assemblée à :
octroyer un avantage à un copropriétaire au détriment de l’intérêt collectif ou des autres copropriétaires ;
refuser d’accorder un avantage à un copropriétaire pour un motif autre que l’intérêt collectif.
Ainsi, la rupture d’égalité entre copropriétaires ne peut être cause de nullité d’une délibération que s’il est établi que de manière injustifiée, donc arbitraire, il a été réservé à un copropriétaire un sort différent que celui réservé à d’autres copropriétaires placés dans une situation identique dans un but autre que l’intérêt collectif. Pour déterminer si cette atteinte caractérise une rupture non justifiée dans l’égalité de traitement, dégénérant en abus de majorité, la juridiction saisie raisonnera in concreto en procédant à une analyse du contexte et du but poursuivi par l’assemblée
III.- L’appréciation de la notion par les juridictions
La notion de rupture d’égalité de traitement entre les copropriétaires est une création prétorienne dont l’appréciation revient au pouvoir souverain de la juridiction saisie qui vérifiera les conditions dans lesquelles la décision contestée a été prise. Si la juridiction saisie ne peut pas apprécier l’opportunité d’une décision d’assemblée, elle examine toutefois les raisons subjectives pour lesquelles elle a été prise, notamment si l’assemblée a agi avec une intention de nuire ou dans un intérêt autre que l’intérêt collectif. Dans ce cadre, il appartiendra au copropriétaire, demandeur à l’annulation, de rapporter la preuve certaine que l’assemblée générale a agi de manière contraire aux intérêts de la collectivité ou pour nuire à autrui. A défaut, la décision de l’assemblée – même si elle lèse un copropriétaire - ne constituera pas une rupture d’égalité entre les copropriétaires.
Ainsi, ne caractérise pas une rupture de l’égalité entre les copropriétaires, la décision par laquelle l’assemblée met fin à une tolérance consistant à laisser stationner les véhicules d’un copropriétaire dans la cour dès lors que la tolérance ne confère aucun droit et reste révocable à tout moment sans constituer un abus de majorité.
De même, la jurisprudence considère que n’est pas abusif le refus de l’assemblée d’autoriser la pose d’un climatiseur en façade de l’immeuble dès lors qu’il n’est pas démontré que la pose d’un bloc de climatisation ait été précédemment autorisée au bénéfice d’autres copropriétaires et que le dispositif suggéré par le demandeur ne permet pas de prévenir l’atteinte à l’harmonie visuelle de l’immeuble.
En conclusion, bien que très souvent arguée par les demandeurs à l’annulation de résolution la rupture de l’égalité de traitement des copropriétaires est un concept prétorien qui nécessite de démontrer de manière certaine que la décision querellée poursuit un but autre que celui de l’intérêt collectif au détriment du copropriétaire, demandeur.
La difficulté est que la juridiction saisie devra apprécier in concreto les éléments ayant conduit à la prise de décision étant rappelé que l’assemblée n’a pas à motiver sa décision dans le procès-verbal qui n’est pas un compte-rendu des débats.
Aussi, dans le cadre de la procédure, le syndicat des copropriétaires devra impérativement justifier de moyens sérieux et légitimes pour défendre à l’abus allégué en demande. La preuve étant faite par tous moyens.
Comments