Copro : la validation des charges en AG n'empêche pas le copropriétaire de contester sa répartition des 5 dernières années
- bclinfos
- 20 avr.
- 8 min de lecture

L’approbation des comptes de charges et ses conséquences
La question de l’approbation des comptes suscite de nombreuses interrogations, sachant qu’il existe plusieurs amalgames, parfois alimentés par les syndics professionnels sur les conséquences juridiques et comptables qu’elles impliquent.
En effet, certains syndics affirment qu’à défaut d’approbation des comptes, ils ne peuvent plus poursuivre leur mandat ou bien qu’ils sont dans l’incapacité de pouvoir engager des recours judiciaires à l’encontre des copropriétaires débiteurs, incitant ainsi l’assemblée générale à voter la résolution.
En parallèle, suite au contrôle des comptes, il n’est pas rare que le conseil syndical relève des factures abusives ou illégales s’interrogeant sur l’opportunité de ne pas approuver les comptes ou du moins sous réserve.
A travers ce dossier, nous allons tout d’abord définir les conséquences et les limites du vote de charges sans être contraints de refuser de valider l’intégralité des dépenses.
I. LA NOTION D’APPROBATION DES COMPTES DE CHARGES
Curieusement, la loi du 10 juillet 1965 reste muette sur la notion d’approbation des comptes, devant se référer à article 47-1 du décret du 17 mars 1967 pour connaître sa
définition, ses limites et ses conséquences juridiques.
Il en ressort que la question de l’approbation des comptes concerne uniquement la validation des charges qui ont été enregistrées sur l’exercice par le syndic et non d’approuver l’intégralité des autres comptes comptables, tels que les banques, les fournisseurs, les comptes d’attente...
Il faut donc parler d’approbation des comptes de charges et non d’approbation des comptes.
Cette précision est importante car de nombreux syndics alimentent la confusion en
précisant dans la résolution que « suite aux annexes comptables jointes à la
convocation d’assemblée générale, les copropriétaires approuvent, sans
réserve, l’ensemble des soldes des comptes comptables y figurant ».
Dans ce cas, la résolution devra être amendée pour ne la limiter qu’au seul
montant des charges. A partir du moment où l’assemblée générale approuve
les charges en arrêtant un montant, elles deviennent définitives imposant au syndic de procéder à leur régularisation sur les comptes des copropriétaires.
Il est important de préciser que la régularisation de charges sera supportée uniquement par le copropriétaire détenteur du lot au jour de l’assemblée générale approuvant les charges, même s’il a acquis son lot en cours de l’exercice.
Autrement dit, la régularisation des charges n’est pas proratisée entre le vendeur et l’acquéreur, même si la mutation du lot s’est déroulée au cours, voire même en fin d’exercice. Comme on le constate, l’approbation des charges n’a strictement rien à voir avec le mandat du syndic et encore moins avec la question du quitus qui, pour rappel, n’a de toutes les façons pas à être inscrit à l’ordre du jour. Ainsi, même si l’assemblée générale a refusé d’approuver les comptes de charges, le syndic doit poursuivre son mandat, et ce, jusqu’à son échéance.
Ceci étant, cette situation est souvent perçue par le syndic comme une motion de censure votée à son encontre, créant un climat de méfiance à l’égard du conseil syndical et des copropriétaires, justifiant de réfléchir mûrement avant de voter « contre » l’approbation intégrale des charges. Pour y remédier, il existe des moyens plus subtils qui permettent de garantir les intérêts du syndicat des copropriétaires sans créer un point de non-retour avec le syndic en place (voir chapitre III).
II. LES CONSÉQUENCES COMPTABLES DE L’APPROBATION DES CHARGES
Conformément à l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965, en cours d’exercice, le syndic appelle auprès des copropriétaires des provisions de charges qui sont calculées en fonction du montant des travaux ou du budget prévisionnel préalablement voté. A partir du moment où l’assemblée générale suivante a approuvé le montant des charges, le syndic doit alors procéder à leur régularisation en réalisant deux opérations sur le compte de chacun des copropriétaires.
Dans un premier temps, leur sont recréditées les provisions de charges qui ont été appelées au cours de l’exercice, puis, dans un second temps, est débité le montant de leur quote-part de charges approuvée. En fonction des règlements effectués par le copropriétaire et si le bilan comptable de l’exercice est excédentaire ou déficitaire (le montant des charges par rapport à celui des produits enregistrés), le solde du compte sera créditeur ou débiteur.
Comme le précise l’article 45-1 du décret du 17 mars 1967, l’approbation des comptes de charges « ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires ». Autrement dit, même si un copropriétaire a voté l’approbation des comptes de charges, il reste toujours en capacité de contester judiciairement la régularisation qui a été effectuée sur son compte, et ce, pendant une période de cinq ans (article 42 de la loi du 10 juillet 1965). Cette distinction s’explique par le fait que la répartition des charges impose de respecter plusieurs règles légales et comptables qu’il n’est pas possible de contrôler au cours de l’assemblée générale. En effet, l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit plusieurs modalités de répartition des charges.
Tout d’abord, elles sont réparties sur la base de tantièmes attachés à chacun des lots qui peuvent être différents en fonction de l’existence de parties communes spéciales ou d’équipements collectifs. Par ailleurs, dans la mesure où les logements sont équipés de compteurs divisionnaires d’eau, la répartition se fera en fonction des consommations relevées sur chacun d’eux.
Enfin, si les logements sont équipés d’un module de relevés des consommations de chauffage, conformément à l’article R174-10 du CCH, les charges seront réparties à 70 % en fonction des consommations individuelles, et à 30 % selon les tantièmes définis à travers la clé de répartition spéciale « chauffage ». Ainsi, en fonction des équipements existants dans l’immeuble et des dispositions prévues dans le règlement de copropriété, plusieurs règles cumulatives peuvent s’appliquer pour déterminer le montant de régularisation des charges qui sera imputé sur le compte de chacun des copropriétaires. L’ensemble de ces éléments implique qu’il existe en réalité plusieurs régularisations des charges. Par conséquent, en fin d’exercice, il est possible que la situation des charges qui relèvent de la clé générale soient excédentaires alors que celles qui dépendent de la clé spéciale bâtiment ou chauffage soient déficitaires.
Le conseil syndical, et surtout les copropriétaires, doivent impérativement contrôler le montant de la régularisation des charges qui leur est imputé, en vérifiant qu’il a été calculé dans le respect à la fois des dispositions légales et celles prévues dans le règlement de copropriété.
III. L’APPROBATION DES COMPTES « SOUS RÉSERVE »
Bien souvent lorsque que le conseil syndical constate des factures abusives ou illégales, il recommande de ne pas approuver les comptes, ou du moins sous réserve, sans forcément connaître les conséquences de l’une ou de l’autre option. Le fait de voter « contre » l’approbation des charges implique que le syndicat des copropriétaires ne valide pas l’intégralité des dépenses qui ont été enregistrées par le syndic au cours de l’exercice, bloquant alors la possibilité de les régulariser sur les comptes des copropriétaires. Les comptes de charges et de produits sont alors reportés sur l’exercice suivant, entraînant qu’au cours de la prochaine assemblée générale il sera nécessaire de se prononcer sur la validité des dépenses de l’exercice à approuver et du précédent. Le risque est que les comptes de charges seront plus difficiles à suivre pouvant même créer une confusion entre les dépenses enregistrées sur les deux exercices, provoquant alors une perte de traçabilité. La situation devient alors plus complexe lorsque l’assemblée générale refuse d’approuver les charges sur plusieurs exercices.
Mais encore, le défaut d’approbation des charges ne règle pas la situation car elle ne fait que la figer, impliquant que tôt ou tard il soit nécessaire de les valider, ce qui entrainera une régularisation des charges beaucoup plus importante pouvant mettre en difficulté les copropriétaires surtout si les bilans comptables des exercices sont déficitaires. Quant à l’approbation des comptes « sous réserve », il s’agit d’une notion qui n’a pas d’existence légale ou réglementaire.
Bien souvent, elle est considérée par le syndic comme ayant approuvé l’intégralité des charges (y compris celles litigieuses) procédant alors à leur régularisation. Pour éviter cette situation, le conseil syndical devra être stratège en présentant à l’assemblée générale un montant de charges qui ne pose pas de difficulté à être approuvé ou, à défaut, procéder de manière chirurgicale en isolant uniquement les dépenses litigieuses.
IV. COMMENT NE PAS VALIDER DES DÉPENSES SANS METTRE EN PÉRIL LE VOTE DE L’APPROBATION DES CHARGES ?
Pour aborder sereinement la question de l’approbation des charges, il est nécessaire d’avoir contrôlé au préalable l’ensemble des factures. Il est, en effet, hors de question de procéder à cette tâche au cours de l’assemblée générale. C’est à ce titre que l’article 18-1 de la loi du 10 juillet 1965 donne la possibilité à tout copropriétaire de contrôler les factures en amont de l’assemblée générale aux date et heure fixées par le syndic. Quant au conseil syndical, conformément à l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, il est en droit de contrôler à tout moment l’ensemble des documents qui concernent la copropriété, et en particulier les factures. Pour éviter d’être acculé, le conseil syndical devra procéder à des contrôles périodiques des factures, voire encore mieux en temps réel, en demandant au syndic de les télécharger systématiquement dans son espace dématérialisé.
Cela concerne les factures des prestataires, des fournisseurs d’énergie mais également celles du syndic. Cette organisation permet de réagir dès la constatation d’une facture abusive ou illégale, en demandant au syndic de la faire sortir des charges tant qu’elle n’a pas été corrigée. Quoi qu’il arrive, suffisamment tôt avant d’élaborer l’ordre du jour qui doit se faire en concertation entre le syndic et le conseil syndical; ce dernier doit contrôler l’intégralité des comptes afin notamment d’être en mesure d’arrêter le montant définitif des charges qui sera présenté à l’assemblée générale. Dans la mesure où aucune facture ne présente d’anomalies, le conseil syndical et le syndic peuvent convenir du montant qui sera inscrit dans la résolution qui traite de l’approbation des charges. En revanche, la situation peut devenir plus compliquée lorsque le conseil syndical relève une ou plusieurs factures qui présentent une anomalie.
Dans ce cas, deux scénarios peuvent alors se produire :
1) le syndic confirme l’anomalie et supprime la dépense des comptes de charges. Dans ce cas, il faudra également vérifier que la dépense a bien été remboursée si elle a déjà été payée. Cette facture peut émaner d’un prestataire de la copropriété, ou bien même du syndic.
2) le syndic maintient la/les dépense(s) sur le compte de charges malgré l’opposition du conseil syndical. Il faudra alors lui demander de les imputer sur un « compte d’attente » afin de permettre à l’assemblée générale de pouvoir approuver les autres charges qui ne présentent pas de difficulté.
Grâce à ce procédé, les comptes de charges pourront être approuvés, à l’exception de celles litigieuses. Ceci étant, elles devront faire l’objet d’une négociation sérieuse au cours du prochain exercice afin de déterminer si en définitive elles doivent être réintégrées dans les charges ou bien si le syndic consent à les annuler en réclamant le remboursement de la somme, si elle a été payée.
Ce même procédé pourra être utilisé au cours de l’assemblée générale, dans le cas où le syndic a maintenu le montant des charges malgré la demande faite par le conseil syndical de supprimer des factures qu’il considère comme abusives. Autrement dit, si la résolution liée à l’approbation présente un montant de charges qui inclut une ou plusieurs factures litigieuses, le président de séance (qui ne peut pas être le syndic) devra amender la résolution en déduisant le montant des factures qui posent problème.
La résolution devra mentionner expressément les factures litigieuses en indiquant leur montant et en précisant qu’elles seront affectées en compte d’attente, le temps de procéder à des investigations plus poussées. Là encore, ce procédé permet d’approuver les comptes de charges et ainsi les régulariser sur les comptes des copropriétaires tout en laissant en statut quo les factures litigieuses qui devront ensuite faire l’objet d’une analyse plus approfondie pour déterminer leur traitement définitif. En cas de changement de syndic, il reviendra au repreneur de gérer ces factures, sachant qu’il existe deux options : soit il les réintègre dans les charges, soit il les annule définitivement, impliquant leur remboursement si elles ont déjà été payées.
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