
Dans les copropriétés, le partage des charges d’ascenseur doit être effectué en fonction de l’utilité de l’équipement pour chaque lot. Mais le règlement de copropriété n’intègre pas toujours un coefficient lié à l’étage.
Aude Michel-Lévy n’en revient pas : « je vais devoir régler, en 3 appels de fonds, plus de 4 000 € pour la réfection complète de notre ascenseur. Le même montant que mon voisin du dernier étage, qui a la même surface que moi, mais habite 3 niveaux plus haut ! », s’insurge cette copropriétaire parisienne. En cause, le règlement de sa copropriété, qui ne prévoit pas de coefficient d’étage, ce dont Aude a pris conscience à l’occasion des travaux.
C’est ce document qui donne la clé de répartition des dépenses d’ascenseur entre les copropriétaires. Ce partage doit se faire selon le critère de l’utilité objective de l’équipement pour chacun des lots (art. 10 al. 1 de la loi n° 65-557 du 10.7.65). Or, par nature, cette utilité varie selon l’étage. Les charges d’ascenseur ne peuvent donc être dispatchées en parts égales entre des lots situés à des étages différents. Impossible d’y déroger, cette disposition est d’ordre public, la jurisprudence le rappelle régulièrement (cass. civ. 3e du 9.5.19, n° 18-17.334).
10 000 €
C’est, en moyenne, le budget nécessaire pour réviser la grille des charges d’ascenseur d’une copropriété, honoraires de géomètre-expert, d’avocat et frais de publication du règlement de copropriété compris.
Un règlement hors des clous
Mais, comme c’est le cas dans l’immeuble d’Aude, « il arrive encore, lorsque les règlements sont anciens, qu’aucun coefficient d’étage n’ait été prévu », confirme Éric Audineau, avocat spécialisé en droit immobilier. Ce qui peut léser certains copropriétaires. Y compris ceux dont le logement est au rez-de-chaussée. L’ascenseur ne leur étant d’aucune utilité, ils ne doivent pas participer aux dépenses correspondantes. Une clause qui leur attribuerait une quote-part des charges serait considérée comme n’ayant jamais existé (cass. civ. 3e du 2.3.05, n° 03-16.731). En revanche, ils doivent être mis à contribution si l’ascenseur dessert le sous-sol où ils disposent d’un parking ou d’une cave (cass. civ. 3e du 20.3.91, n° 89-17.336).
Un travail de pédagogie s’avère parfois nécessaire. « Il n’est pas toujours facile de faire entendre au propriétaire d’une chambre de bonne qu’il devra contribuer au paiement des charges d’un ascenseur qui s’arrête un étage plus bas. Ce qui importe, c’est qu’il puisse l’utiliser, lui ou son locataire, et que son lot soit concerné jusqu’à un certain niveau [cass. civ. 3e du 22.9.16, n° 15-20.086, à propos d’un second sous-sol, Ndlr]. En revanche, si la chambre n’est accessible que par l’escalier de service, elle n’est pas assujettie aux charges », détaille William Houvenagel, un géomètre-expert parisien.
Et, bien sûr, un copropriétaire ne peut se dispenser de payer sa quote-part sous prétexte qu’il ne prend pas l’ascenseur par convenance personnelle. À l’inverse, un copropriétaire du rez-de-chaussée qui l’emprunte régulièrement pour rendre visite à un voisin habitant en étage ne sera pas pour autant redevable de charges ! Seule l’utilité objective est prise en compte, et non l’usage réel du copropriétaire (cass. civ. 3e du 18.2.14, n° 12-29.975).
À l’approche de travaux importants, il est recommandé de vérifier dans le règlement de copropriété si la répartition des charges d’ascenseur respecte bien le critère de l’utilité. Si une clause n’y est pas conforme, elle est considérée comme non écrite. Le problème, c’est que même si elle est non conforme, elle continue de s’appliquer tant qu’aucun copropriétaire lésé ne la conteste par une action en nullité menée devant les juges.
Contester leur répartition devant le juge
Les copropriétaires ont à leur disposition deux actions pour contester en justice la répartition des charges d’ascenseur. De loin la plus fréquente, l’action en annulation peut être exercée à tout moment (elle est imprescriptible), lorsque la répartition des charges ne respecte pas le critère d’utilité, dans son principe même. Par exemple, si elle taxe le lot du rez-de-chaussée ou exonère les chambres de bonne. C’est à celui qui l’invoque de prouver que le critère d’utilité a été méconnu. Quant à l’action en révision, rare, elle peut être actionnée par un copropriétaire qui paye trop ou pas assez de charges, ce qui est le cas lorsque sa quote-part est supérieure (ou inférieure) de plus de 25 % à celle qui résulterait d’une répartition régulière (art. 53 du décret n° 67-223 du 17.3.67). Mais cette action doit être exercée dans les 5 ans de la publication du règlement de copropriété au fichier immobilier, ou dans les 2 ans suivant la première mise en vente du lot (art. 12 de la loi n° 65-557 du 10.7.65). Autant dire que, pour la plupart des litiges, c’est bien trop tard ! Si l’action, quelle qu’elle soit, est fondée, c’est le juge qui procède à la nouvelle répartition des charges (art. 12 et art. 43 de la même loi), sans rétroactivité possible.
Des calculs à revoir
Le spécialiste des grilles de charges, en copropriété, c’est le géomètre-expert, même s’il n’a pas de monopole en la matière. La nouvelle répartition doit être adoptée à la majorité simple de l’article 24. Cette adoption peut être votée concomitamment aux travaux de l’ascenseur, à condition que le projet de résolution portant sur la grille figure en amont sur l’ordre du jour. Le géomètre-expert devra tenir compte, non seulement de l’étage de chaque lot et de sa superficie, mais aussi de son affectation. Un local en étage occupé par un professionnel, souvent libéral, génère plus de fréquentation qu’un logement. « Cette activité contribuant à augmenter le trafic dans l’ascenseur, les charges du copropriétaire concerné doivent être calculées en conséquence », pointe le syndic Olivier Safar. « En plus du coefficient d’étage, un coefficient multiplicateur tenant compte de l’usage du lot sera appliqué, précise Éric Audineau. L’assemblée peut également modifier la répartition des charges d’ascenseur, à la majorité absolue de l’article 25, lorsque cela devient nécessaire en raison d’un changement d’usage d’une partie privative [art. 25 e de la loi de 1965, Ndlr]. Et ce, que le règlement de copropriété autorise ou non ce changement d’usage, dès lors que celui-ci lèse le syndicat [cass. civ. 3e du 1.10.14, n° 13-21.745, Ndlr] ».
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